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#10 - Diplôme, statut et légitimité à penser.

Dernière mise à jour : 20 oct.



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Agite les idées, pas les drapeaux - La Capsuleuse



Dans de nombreuses organisations, l’intelligence demeure implicitement corrélée au diplôme, à l’école fréquentée ou au niveau hiérarchique. Ces éléments fonctionnent comme des signaux de crédibilité, parfois davantage que les capacités réelles d’analyse, de discernement ou d’innovation.

Les fonctions dites « exécutives », proches du terrain mais éloignées des espaces de décision, sont rarement associées à la pensée stratégique. Ce n’est pas l’absence de capacité qui l’explique, mais l’héritage de structures sociales et managériales qui associent savoir légitime, statut et proximité du pouvoir. Ce mécanisme finit par produire une confusion entre niveau d’études, intelligence supposée et légitimité à penser.

 


📚 Appuis conceptuels

🏛️ Droit & management

Le droit n’impose pas d’évaluer les compétences au-delà du diplôme, mais il exige que toute décision en matière d’accès à l’emploi ou d’évolution repose sur des critères objectifs et proportionnés. Se fonder uniquement sur le diplôme, alors que l’expérience, la VAE, les résultats ou des mises en situation démontrent la compétence, peut relever d’une discrimination indirecte en fonction du contexte.

Par ailleurs, la responsabilité juridique (notamment en matière de santé et sécurité) implique que chaque professionnel exerce discernement et jugement – penser n’est pas un privilège lié au statut, mais un devoir.

Pourtant, dans les pratiques internes, l’évaluation reste souvent alignée sur la hiérarchie scolaire et reproduit une barrière symbolique à la reconnaissance intellectuelle.

 

 

📚 Sciences humaines

Les travaux sur les représentations montrent comment le travail et le prestige social s’entremêlent dans la construction de l’identité.

Pour Bourdieu, le diplôme agit comme un capital socialement reconnu, ouvrant l’accès à la parole légitime et à la décision. Ceux qui n’en disposent pas voient leur pensée reléguée, même lorsque leur expérience produit un savoir précieux. Héritée du système méritocratique français, la reconnaissance intellectuelle se construit autour du diplôme et de l’appartenance à certains corps ou écoles.

Arendt rappelle que renoncer à penser, c’est renoncer à juger – et les organisations qui prescrivent l’action sans reconnaître l’analyse contribuent à ce renoncement.

Pour Ricœur, refuser la pensée d’un individu, c’est limiter sa capacité d’agir et d’être reconnu.

Foucault souligne enfin que le contrôle du savoir est un outil de pouvoir : organiser qui pense et qui exécute, c’est réguler les formes légitimes de parole. Ces mécanismes façonnent durablement la place de chacun dans l’espace professionnel.

 

 

🧠 Psychologie du travail & santé

Sur le plan psychologique, la sous-estimation des capacités intellectuelles produit des effets mesurables.

L’effet Pygmalion inversé décrit comment de faibles attentes posées sur un individu réduisent sa propension à penser, parler ou proposer. L’intelligence existe, mais elle se tait. Cette dissonance entre compétence réelle et reconnaissance génère frustration, perte de sens ou retrait, pouvant évoluer vers un épuisement moral ou le départ du professionnel.

Les biais cognitifs renforcent ce mécanisme : biais de halo, d’autorité, de confirmation ou d’ancrage, conduisent à juger la valeur d’une idée selon celui qui la formule, et non selon sa pertinence.

À l’échelle collective, c’est l’intelligence organisationnelle qui s’appauvrit : les savoirs de terrain ne remontent plus, les innovations restent locales, la décision se coupe du réel.

 

 

Le diplôme atteste de compétences réelles et conserve toute sa pertinence.

L'enjeu est simplement qu'il ne soit pas le seul critère de légitimité intellectuelle, au risque d'occulter d'autres formes de savoir tout aussi précieuses.

 

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